COSMONAUTIQUE (PHYSIOPATHOLOGIE DE LA)

COSMONAUTIQUE (PHYSIOPATHOLOGIE DE LA)
COSMONAUTIQUE (PHYSIOPATHOLOGIE DE LA)

Les problèmes physiopathologiques posés par la cosmonautique sont liés, les uns à la nature du milieu extra-atmosphérique, les autres à la dynamique du vol spatial. Ils ne diffèrent pas par leur essence de ceux qu’il a fallu résoudre en aéronautique, mais ils en sont souvent des cas limites.

En quittant l’atmosphère terrestre, l’homme perd non seulement sa source naturelle d’oxygène, mais aussi un véritable bouclier protecteur. Dans le vide, en effet, les gaz dissous dans les liquides et les tissus de l’organisme se dégagent et l’eau se vaporise.

De plus, l’air arrête une fraction importante des rayonnements extraterrestres, d’origine galactique ou solaire, non piégés par les champs magnétiques qui entourent la Terre; enfin le bouclier atmosphérique volatilise, brûle, et tout au moins fait perdre une partie de leur énergie cinétique aux météorites dont le choc menace désormais la vie des cosmonautes.

Le vol spatial comporte trois phases. Dans la phase initiale, le véhicule augmente progressivement sa vitesse, soumettant l’organisme des passagers à des accélérations puissantes et à d’importantes vibrations.

Une fois la vitesse désirée atteinte, le véhicule poursuit sa course, moteurs arrêtés, ce qui crée l’état d’apesanteur ou d’agravité.

La phase terminale, lors de la rentrée dans l’atmosphère, se manifeste par une décélération et une augmentation de la température ambiante.

Les effets physiopathologiques liés à la nature du milieu extra-atmosphérique sont tels que l’homme doit vivre isolé de l’ambiance, dans une cabine ou un scaphandre hermétiquement étanches contenant une atmosphère artificielle. Cette servitude est inéluctable.

Cependant, les effets de la dynamique de la première et de la troisième phase du vol, dépendant étroitement des techniques de lancement et de rentrée dans l’atmosphère, peuvent s’atténuer ou même disparaître avec les progrès de ces techniques. Quant à l’état d’apesanteur, c’est un des éléments les plus caractéristiques de la cosmonautique, mais il peut, lui aussi, être annulé ou atténué par la création d’une pesanteur artificielle.

1. L’atmosphère artificielle de la cabine spatiale

La composition et la pression de l’atmosphère artificielle de la cabine étanche doivent, a priori, être celles du niveau de la mer, puisque c’est dans ces conditions que les rendements physique et psychique de l’homme sont les meilleurs, que le «coût physiologique» de la vie est le plus bas.

Les conditions particulières du séjour dans un vaisseau spatial – état de superpesanteur lié aux accélérations du départ et aux décélérations du retour, apesanteur, longue durée du vol, volume réduit de la cabine – ne justifient pas le choix, pour des raisons physiologiques, de caractéristiques atmosphériques différentes de celles de l’état de pesanteur. La pression de 760 mm de mercure a donc été conservée pour certains types de cabines spatiales.

Mais des impératifs d’ordre technique, la possibilité d’une rupture de la paroi incitent à s’éloigner de ces conditions idéales et à adopter des caractéristiques susceptibles d’atténuer les risques.

Pression

Un accident mécanique, la perforation par une météorite peuvent, en quelques millisecondes, faire tomber à zéro la pression à l’intérieur de la cabine (décompression rapide ou explosive). Il en résulte des effets liés, les uns directement aux variations de la pression gazeuse totale ainsi qu’à la vitesse de ces variations, les autres au séjour dans le vide.

Les phénomènes liés à la baisse de la pression barométrique sont immédiats. Lors de la décompression, la distension des gaz contenus dans les organes creux, clos ou semi-clos, estomac, intestin, sinus faciaux, oreille moyenne, poumons, est cause des accidents appelés barotraumatismes. Intuitivement, on conçoit que si l’échappement des gaz contenus dans ces organes peut se faire par les orifices naturels aussi rapidement que l’air de la cabine par l’orifice de rupture de la paroi, aucun délabrement tissulaire n’en résultera. Après des essais expérimentaux sur l’animal, des essais de décompression en une seconde ont été effectués sur des volontaires; une pression différentielle de 340 mm de mercure fut parfaitement supportée. Ainsi, la pression de 300 mm adoptée pour de nombreux vols cosmiques met-elle pratiquement à l’abri des effets primaires des ruptures de cabine. Cette disposition n’empêche évidemment par les effets du séjour dans le vide glacé de l’espace: vaporisation de l’eau, anoxie foudroyante, dysbarisme, refroidissement.

Dans le vide spatial, l’eau de l’organisme passe à l’état de vapeur. Ce phénomène est distinct de l’ébullition réalisée par apport de chaleur extérieure au système; il s’accompagne donc d’un refroidissement, et la vaporisation ne s’arrête que lorsque la totalité des liquides passe par congélation à l’état solide. Dès la sixième seconde de la décompression, la vaporisation débute dans les oreillettes du cœur, produisant des embolies gazeuses, et dans la plèvre, entraînant un collapsus pulmonaire partiel. En 8 secondes, la pression artérielle s’effondre, la circulation s’interrompt, privant instantanément les tissus de tout apport d’oxygène et entraînant une vaporisation généralisée. La victime augmente brusquement de volume; la résistance des tissus, notamment celle des téguments, limite la distension. Le cœur se ralentit considérablement et s’arrête en deux minutes environ. Si le sujet est recomprimé dans les 80 premières secondes de l’accident, la vapeur repasse instantanément à l’état liquide, les battements cardiaques redeviennent efficaces et, en général, on n’observe pas de séquelles.

L’anoxie foudroyante à l’état pur due au vide spatial ne peut être observée à la suite d’une rupture de cabine que si, au moyen d’une contre-pression précise obtenue par un «vêtement d’altitude», la vaporisation est empêchée. Dans ce dernier cas, en 13 à 15 secondes, l’homme ainsi privé d’oxygène est désorienté, confus, incapable de formuler un jugement correct; il perd connaissance en 17 à 19 secondes. Les mouvements volontaires s’arrêtent, les muscles se relâchent. On observe quelques mouvements convulsifs, la dilatation pupillaire, le relâchement des sphincters, la syncope respiratoire puis l’arrêt de toute activité électrique du cerveau. Mais les battements cardiaques persistent pendant 90 secondes à 2 minutes. Après la réoxygénation, si elle est effectuée dans ces délais, la récupération sans séquelles peut être obtenue, et l’accidenté ne conserve aucun souvenir de ce qui s’est passé.

Le dysbarisme, c’est-à-dire l’ensemble des conséquences dues au dégagement des gaz dissous dans les liquides et les tissus de l’organisme, est plus lent à apparaître que la vaporisation de l’eau. Le volume total des gaz libérés (azote, argon, gaz carbonique, etc.) est trop faible, de l’ordre d’un litre pour un homme, pour jouer un rôle important dans ces accidents foudroyants.

Les perturbations liées à ce dégagement gazeux varient selon les tissus ou organes affectés: douleurs articulaires, prurit et rougeur cutanée, névralgies ou paralysie si les nerfs sont atteints, troubles pulmonaires, cardiaques et nerveux. La perte de connaissance et la mort ne sont pas exclues, mais surviennent dans un délai relativement long.

Le dysbarisme peut survenir si le cosmonaute pénètre sans précautions dans une cabine dont la pression barométrique est de 300 mm de mercure. Afin de l’éviter, il suffit de débarrasser l’organisme de son azote dissous en respirant pendant quelques dizaines de minutes de l’oxygène pur, afin de se «dénitrogéner».

Tous les dangers résultant du séjour dans le vide sont écartés par le port du vêtement d’altitude, avec casque étanche, assurant l’oxygénation convenable et une contre-pression de l’ordre de 145 mm de mercure sur l’ensemble du corps. L’usage de la «combinaison spatiale» permet de décomprimer la cabine et d’évoluer à l’extérieur.

Composition chimique

Parallèlement au problème de la pression à l’intérieur de l’habitacle, se pose celui de la composition chimique de l’atmosphère intérieure. L’emploi de l’oxygène pur, au lieu d’un mélange gazeux, est possible à condition d’opter pour une pression basse, de l’ordre de 300 mm de mercure, à laquelle il peut être supporté indéfiniment. Une atmosphère monogazeuse présente des avantages techniques certains comme la simplicité de réalisation et de contrôle. Mais elle augmente les risques d’incendie.

Quoi qu’il en soit, les variations du métabolisme des cosmonautes, leur consommation d’oxygène et leur exhalation de gaz carbonique retentissent rapidement sur la composition de l’atmosphère de l’habitacle. Les dispositifs de fourniture d’oxygène et d’épuration de la cabine ne peuvent être totalement dépourvus d’inertie, mais les écarts autour de la composition initiale de l’atmosphère artificielle ne doivent pas dépasser un certain seuil de tolérance. La longue durée du séjour dans un cosmonef imposant des conditions très voisines de celles du niveau de la mer, où la pression d’oxygène est de 160 mm de mercure environ, celle-ci doit être, à l’intérieur de la cabine, comprise entre 145 et 300 mm de mercure.

Quant à la pression partielle du gaz carbonique, elle ne doit pas excéder 5 mm de mercure. Pour de courtes périodes, une pression de 23 mm peut être supportée. L’épuration de la cabine pose donc des problèmes ardus, tout au moins pour les voyages de longue durée. Jusqu’à présent, ils ont été résolus par le transport d’une quantité suffisante d’absorbeurs chimiques, comme les problèmes du ravitaillement en oxygène l’ont été par le transport de cet élément.

Les systèmes fournissant l’oxygène peuvent être des bouteilles de liquide, de gaz ou encore de gaz comprimé et refroidi jusqu’au voisinage de son point de liquéfaction. Si la durée du voyage dépasse plusieurs semaines, les procédés chimiques permettant une réduction du volume et du poids des réserves sont à envisager: emploi de peroxyde d’hydrogène ou eau oxygénée, de chlorate de sodium ou de potassium. Les superoxydes de sodium, de lithium, de potassium, dégagent de l’oxygène en réagissant avec l’eau; ultérieurement ils fixent le gaz carbonique. Le rendement est excellent et il peut, sans doute, être encore amélioré.

Pour de longs voyages, un procédé idéal serait le recyclage du gaz carbonique avec récupération de l’oxygène grâce à la symbiose entre animal et végétal à fonction chlorophyllienne. La photosynthèse permettrait de résoudre élégamment et efficacement le double problème de la fourniture d’oxygène et de l’épuration du gaz carbonique. Des travaux utilisant les algues à pigments verts ont donné des résultats encourageants, mais de nombreuses difficultés subsistent. En effet, le quotient respiratoire – rapport de la quantité de gaz carbonique exhalé sur celle d’oxygène consommé – chez l’homme qui ne se nourrit pas exclusivement de glucides, est de 0,85 en moyenne. Aussi le volume d’oxygène restitué par le végétal, volume identique à celui du gaz carbonique qu’il a absorbé, ne suffira-t-il pas à couvrir totalement les besoins de l’homme. S’il y a un excès de plante, le végétal manquant de gaz carbonique dépérira sans, pour autant, parvenir à fournir la quantité d’oxygène nécessaire. Si, enfin, l’algue prolifère, le cosmonaute sera contraint de la détruire ou de s’en nourrir régulièrement.

D’autres disparités existent, de sorte que, si la méthode est séduisante, elle n’est pas encore utilisable.

Pour l’épuration de la cabine, des procédés physiques sont concevables: congélation fractionnée en utilisant le froid de l’espace ou la détente adiabatique à l’aide du vide extérieur. Ces méthodes ont en outre l’avantage de pouvoir assécher l’air de la cabine par liquéfaction ou congélation de la vapeur d’eau exhalée continuellement par les occupants. Il faut en outre disposer d’une source d’énergie (solaire, par piles, ou atomique) afin d’assurer une régulation thermique convenable.

2. Le milieu spatial

Le vide des espaces n’est qu’une image poétique. En fait, le cosmonaute y est soumis aux rayonnements d’origine extraterrestre, aux variations du champ magnétique, aux météorites.

Rayonnements extraterrestres

Les rayonnements cosmiques rencontrés dans l’espace sont, les uns corpusculaires – électrons, protons, hélions, noyaux lourds (calcium, fer, nickel, carbone, oxygène, etc.) –, les autres photoniques – rayons 塚, rayons X, ultraviolets, lumineux, infrarouges. Signalons aussi les ondes hertziennes. Certains éléments sont d’origine galactique, constants, peu nombreux (de 2 à 4 particules cm2/s/stéradian) à très haute énergie (plusieurs gigaélectron-volts) et se déplaçant à très grande vitesse. Il existe aussi des rayonnements d’origine extragalactique. D’autres sont d’origine solaire. Ces derniers sont très variables, pouvant atteindre 8 . 109 particules/cm2/s/stéradian au moment des éruptions solaires intenses, mais à énergie moindre que les corpuscules d’origine galactique, de 40 à 500 mégaélectron-volts.

Enfin, autour de la Terre existent deux champs magnétiques circulaires arrêtant une grande partie des rayonnements cosmiques et qui forment les ceintures radioactives de Van Allen. L’intensité des rayonnements rencontrés dans ces zones est très grande, le maximum se situant entre 3 000 et 4 000 km d’altitude pour l’anneau interne et vers 20 000 km pour l’anneau externe. On peut négliger un anneau artificiel, plus proche de la Terre, constitué par une couche d’électrons libérés par une explosion nucléaire et dont la radioactivité est en train de disparaître. Les effets généraux et locaux de telles irradiations sont négligeables pour des vols orbitaux à une altitude inférieure à 500 km. Au cours de vols interplanétaires, la traversée des ceintures de Van Allen doit se faire assez rapidement pour éviter l’absorption de doses importantes de rayonnements ionisants. Une autre solution consiste à s’éloigner de la Terre par les pôles.

Dans l’espace, un séjour de plusieurs mois, temps nécessaire pour atteindre les proches planètes, n’est peut-être pas sans inconvénients. Faut-il évoquer le risque d’atteintes génétiques? Comme les mutations éventuelles sont récessives, cela ne présente en pratique pas de danger pour les générations futures. À moins que toute une population ne se transporte sur une autre planète.

La protection contre les photons et les particules à faible énergie est relativement aisée: la paroi de la cabine les arrête presque en totalité. Par contre, les particules à très haute énergie traversent une épaisseur d’acier de plusieurs centimètres. Une fraction de l’énergie absorbée par la paroi est la source d’une radiation secondaire, la Bremsstrahlung , qui crée une ionisation locale très élevée.

Champ magnétique

Les voyages interplanétaires exposent en outre l’homme à des variations du champ magnétique: champs intenses entourant la Terre, conditionnant les ceintures de Van Allen, champs très faibles ou nuls dans l’espace. Il ne semble pas qu’une opinion définitive puisse encore être émise, surtout pour le séjour prolongé dans les zones amagnétiques.

Météorites

Les micrométéorites peuvent se déplacer à très grande vitesse, de 10 km/s à plus de 270 km/s. Mais leur masse très faible, parfois de l’ordre du picogramme seulement, ne leur permet pas de traverser la paroi de la cabine. La probabilité d’être percuté par une météorite de 1 mg est, pour un véhicule de 3 m de diamètre, inférieure à une fois par an. Cet impact ne perfore pas la paroi. Le risque d’une rencontre dangereuse est donc négligeable.

3. Conséquences des accélérations et décélérations

Du point de vue physiologique, le lancement de la fusée ou la rentrée du vaisseau spatial dans l’atmosphère sont de même nature: les accélérations et les décélérations mettent en jeu des forces d’inertie. Seul le sens de ces forces change, mais il y a toujours une augmentation du poids du corps qui est égale au produit de sa masse par l’accélération. Au cours de leur fonctionnement, les moteurs sont en même temps générateurs de vibrations.

États de superpesanteur

Les divers liquides et tissus constituant le corps humain n’étant pas homogènes, n’ayant pas la même densité, les augmentations de leur poids entraînent, selon les cas, des perturbations passagères et faibles, ou durables et graves. Des études expérimentales confirmant les calculs théoriques ont mis en évidence le rôle joué par l’intensité des accélérations, la rapidité avec laquelle elles sont atteintes, le sens selon lequel elles s’exercent, leur durée. Tous ces effets, bien connus en aéronautique, ont fait choisir des caractéristiques rendant les lancements comme les rentrées dans l’atmosphère tolérables par l’homme.

Une accélération de 6,65 g , agissant pendant deux minutes, permet d’atteindre la vitesse nécessaire pour mettre un satellite sur orbite, tandis que celle de 3,32 g doit agir pendant quatre minutes pour aboutir au même résultat. Pour atteindre la vitesse de libération (celle nécessaire pour échapper à l’attraction terrestre) il faut une accélération de 9,2 g agissant pendant 2 minutes ou de 4,6 g pendant 4 minutes.

La rentrée dans l’atmosphère terrestre doit se faire assez lentement pour éviter le développement de décélérations considérables et la combustion du véhicule. Un certain ralentissement est obtenu par l’allumage de rétrofusées en temps opportun, ensuite l’atmosphère est abordée sous un angle convenable. Les décélérations atteignent de 6 à 7 g pendant 3 ou 4 minutes.

Les forces d’inertie développées par ces accélérations ou décélérations, lorsqu’elles s’exercent selon l’axe longitudinal du corps, sont très mal supportées pendant des temps aussi longs. Si les os et les muscles résistent bien, les fluides de l’organisme, le sang notamment, se déplacent vers les membres inférieurs ou vers la tête, selon que les forces d’inertie s’exercent dans le sens tête-siège ou siège-tête. Lorsque le sang quitte la région céphalique, la vision est troublée avec sensation de brouillard («voile gris»), puis perdue («voile noir» de la cécité). Ensuite, c’est la perte de connaissance. Ces troubles sont passagers, à condition que les accélérations ne durent pas plusieurs minutes.

Lorsque le sang quitte les membres inférieurs et s’accumule vers la tête, il provoque rapidement des douleurs intenses, la turgescence des muqueuses, des hémorragies rhinopharyngées, la sensation de vision rouge («voile rouge»); le sujet devient aveugle et perd connaissance.

Les forces d’inertie s’exerçant dans le plan transversal du corps, selon le sens ventre-dos, dos-ventre ou latéralement, sont beaucoup mieux supportées. Le sujet ressent une impression de compression thoracique, mais il peut supporter cette situation pendant près de 3 minutes pour une accélération de 6 g , et 1 mm 40 s pour 8 g . Aussi les cosmonautes sont-ils toujours lancés face au zénith, couchés sur le dossier de leur siège. La rentrée dans l’atmosphère s’effectue, dos en avant, la cabine ayant basculé de 1800. Les forces d’inertie développées par la décélération s’exercent ainsi dans le même sens qu’au moment du départ, sens ventre-dos.

Vibrations

Les phases actives du vol, le départ et la rentrée dans l’atmosphère s’accompagnent de phénomènes secondaires: vibrations-trépidations et vibrations acoustiques, bruits, infrasons, ultrasons. Ces vibrations, quoique très gênantes, ne dépassent pas les seuils de tolérance pour la durée d’exposition. Une partie de leur énergie est absorbée par les matériaux interposés, et l’oreille est quelque peu protégée par le casque.

4. L’état d’apesanteur

L’apesanteur ou impesanteur ou, plus précisément, la microgravité, constitue le principal facteur pouvant agir sur les êtres vivants lors des vols spatiaux. Or la prédiction de ces effets est délicate, car il est impossible de reproduire sur Terre et pour de longues périodes un état d’impesanteur. Seuls les vols paraboliques en avion le permettent, mais pour quelques dizaines de secondes seulement. Chez l’homme, on ne peut que simuler grossièrement l’impesanteur soit par immersion, soit en plaçant le sujet en position horizontale, la tête légèrement inclinée en arrière. Les appareils cardio-vasculaire et locomoteur se trouvent alors à l’état de repos, mais les réponses observées restent encore différentes de celles que l’on constate dans l’espace. Sur le plan expérimental, on peut inverser périodiquement les effets de la pesanteur en plaçant des objets biologiques, notamment des plantes, dans des clinostats, c’est-à-dire dans des appareils à rotation lente, mais il ne s’agit là encore que d’une approche très imparfaite de l’état d’impesanteur.

Quels sont donc les effets de l’impesanteur? Certes, les nombreux vols habités réalisés et notamment les vols de plus de trois cents jours (Moussa Manarov et Vladimir Titov en 1988) montrent que les astronautes conservent des capacités motrices et psychiques compatibles avec la poursuite des activités de la vie courante et la réalisation de programmes scientifiques ou techniques souvent complexes; cependant l’impesanteur provoque d’importantes modifications physiologiques qui se manifestent essentiellement au niveau des appareils cardio-vasculaire, vestibulaire et locomoteur, c’est-à-dire au niveau des trois systèmes dont les activités au sol sont étroitement soumises à l’influence de la pesanteur.

Appareil cardio-vasculaire

En position verticale, la masse sanguine tend à s’accumuler vers les positions basses du corps, provoquant une chute passagère de la tension artérielle dans la région sus-diaphragmatique du corps. La stimulation de zones sensibles dites barorécepteurs, situées dans les parois de l’aorte et de la carotide interne, provoque alors une série de réflexes: vasoconstriction au niveau des membres inférieurs, accélération du rythme cardiaque, qui permettent le maintien d’une répartition homogène de la masse sanguine. Dans l’espace, la disparition de l’attraction gravitationnelle va se traduire par une redistribution de cette masse sanguine, un demi à deux litres de sang abandonnant les parties inférieures du corps pour s’accumuler au niveau des régions céphalique, cervicale et thoracique. Au niveau du cœur, les oreillettes se dilatent. Leur paroi comporte des volorécepteurs, c’est-à-dire des zones sensibles au changement du volume sanguin; les volorécepteurs «interprètent» ce phénomène comme une surcharge sanguine et entraînent, selon le réflexe de Henry-Gauer, une brutale diminution de la sécrétion post-hypophysaire de l’hormone antidiurétique. Une accentuation de l’élimination urinaire en résulte; associée à une diminution de la soif, elle provoque une perte liquidienne qui persistera pendant toute la durée du vol. Par ailleurs, si de nouvelles réactions hormonales traduisent secondairement l’adaptation du système cardio-vasculaire et neuroendocrinien à l’impesanteur, si les techniques d’exploration utilisées chez les astronautes ne permettent pas de déceler de modifications importantes du rythme cardiaque, de la tension artérielle ou de l’électrocardiogramme, il n’en reste pas moins que l’appareil cardio-vasculaire fonctionne dans des conditions anormales pendant toute la durée du vol spatial: le débit cardiaque et la rigidité des parois du système vasculaire périphérique sont augmentés, comme l’a montré l’expérience Échographie qui a permis la mesure transcutanée du débit carotidien par ultrasons (échographie Doppler). En outre, les réactions vasculaires au changement de position corporelle ne peuvent se produire. Cela explique les petits troubles, vertiges, tendances syncopales, caractéristiques d’un déconditionnement cardio-vasculaire qui apparaît et persiste pendant les premiers jours après le retour sur Terre des astronautes.

Appareil vestibulaire

L’appareil vestibulaire règle notre équilibre et participe au maintien de notre posture. Il partage ce rôle avec l’appareil de la vision et l’appareil de la proprioception; des informations venues de l’oreille interne, de l’œil et de récepteurs cutanés, musculaires et articulaires, sont ainsi transmises aux centres cérébraux et cérébelleux. La partie de l’appareil vestibulaire sensible à la pesanteur est l’appareil otolitique situé au niveau de l’utricule et du saccule. Ces deux vésicules de l’oreille interne sont tapissées par un épithélium cilié surmonté d’une membrane, la membrane otolitique. De petits cristaux de carbonate de calcium ou otolithes s’appuient sur cette membrane; ils se déplacent sous l’influence de la pesanteur lors des mouvements de la tête ou à l’occasion d’accélérations linéaires, provoquant l’inclinaison ou mieux le cisaillement des cils des cellules sensorielles. Stimulées, ces cellules sont le point de départ d’influx nerveux qui renseignent l’organisme sur ses déplacements et sa position par rapport à la verticale, vecteur référentiel fourni par la pesanteur.

En impesanteur, la pression sur certaines terminaisons nerveuses, comme les terminaisons plantaires ou certaines terminaisons articulaires, disparaît; il en est de même du poids des otolithes. Ces derniers peuvent encore se mouvoir lors des déplacements de l’astronaute, mais les influx créés normalement sous l’influence de la pesanteur n’apparaissent plus. Inversement, la vision persiste. Les centres nerveux reçoivent, dans ces conditions, de nouvelles informations, non conformes aux programmes préétablis, innés ou progressivement acquis depuis la naissance. Cette situation conflictuelle explique les sensations de déséquilibre ou de flottement ressenties par les astronautes et, plus encore, l’apparition du mal des voyages qui frappe environ un tiers des astronautes, malgré une sélection soigneuse et un entraînement sévère dans les mois précédant le lancement. Ces troubles vestibulaires sont cependant éphémères, ce qui témoigne des capacités d’adaptation de l’appareil de l’équilibre à l’impesanteur.

Appareil locomoteur

Notre squelette, colonne vertébrale, os de la ceinture pelvienne et des membres inférieurs, supporte le poids de notre corps. Le déplacement des objets sur Terre demande un travail musculaire. On conçoit dès lors que l’absence de pesanteur puisse entraîner de profonds changements:

– distension des disques intervertébraux, d’où un accroissement de la taille des astronautes de quelques centimètres qui disparaît dès le retour sur Terre;

– atrophie et décalcification des travées osseuses qui se traduisent par un doublement des pertes calciques quotidiennes dans les urines et fèces;

– un blocage de la croissance osseuse d’origine périostique, sans qu’il y ait arrêt de la croissance en longueur, comme l’ont montré des expériences soviétiques et américaines poursuivies conjointement chez le rat à bord de biosatellites Cosmos;

– atrophie musculaire pour les vols prolongés.

La pratique quotidienne d’exercices physiques associés à un régime riche en calcium peut diminuer l’importance de ces modifications; cependant, une mobilisation du calcium osseux persiste lors des vols spatiaux. Ainsi, on peut craindre, à long terme, l’apparition de fractures spontanées ou de calcifications hétérotopiques (en dehors des pièces osseuses) qui pourraient aboutir notamment à la formation de calculs rénaux.

Les autres effets de l’impesanteur

Les effets de l’impesanteur ne se limitent pas aux trois appareils déjà cités.

Sur le plan sanguin, on a pu noter une réduction du nombre des hématies (globules rouges), associée à de fréquentes anomalies de la forme de ces cellules. Sur le plan immunologique, il semble que l’on assiste à un accroissement des processus de défense immunitaire, comme l’a montré le test de transformation lymphoblastique réalisé après vol, à partir de rats embarqués à bord de Cosmos-782.

Sur le plan psychologique, le confinement créé par les vols de longue durée pourrait être à l’origine de situations conflictuelles, de troubles du comportement. Les séjours en impesanteur sont en fait bien supportés et l’on s’efforce de respecter le plus possible le rythme habituel de vie et de sommeil.

Sur ce dernier point, d’importantes variations individuelles ont été observées: si le sommeil reste normal chez certains astronautes, pour d’autres, au contraire, il est perturbé et demande l’emploi de somnifères.

5. La biologie spatiale

La biologie spatiale se propose d’étudier les effets à la fois de l’impesanteur et du rayonnement cosmique sur les êtres vivants. La biologie spatiale est évidemment indissociable des recherches physiologiques effectuées sur l’homme ou sur l’animal.

Croissance des végétaux

On sait le rôle joué par la pesanteur sur la croissance végétale: le géotropisme (orientation de la croissance des racines et des tiges en fonction de la pesanteur) dépend de la disposition dans les cellules de particules qui sédimentent sous l’influence de la pesanteur (grains d’amidon notamment). Une modification d’orientation de la plante les met en mouvement, et ce stimulus change la production de l’hormone de croissance et modifie ainsi l’élongation de l’organe [cf. TROPISMES VÉGÉTAUX]. En impesanteur, l’orientation des organes de la plante est perturbée, mais la croissance peut se poursuivre comme on a pu le vérifier avec des Arabidopsis placées à bord de Saliout-7.

Biologie du développement

La pesanteur est le seul facteur de l’environnement qui soit resté constant depuis l’origine de la Terre. Les êtres vivants ont adapté leur morphologie, leur squelette et leur appareil musculaire à la pesanteur. Cette notion explique tout l’intérêt de pouvoir étudier, dans les années futures, le comportement d’espèces vivant, à travers plusieurs générations, en impesanteur. Pourra-t-on alors modifier le développement de ces organismes, dont la programmation est normalement inscrite dans les gènes des chromosomes? Par ailleurs, l’espace ouvre d’autres perspectives: chez certaines espèces, en effet, et notamment chez les Batraciens, la pesanteur intervient dans les premiers stades du développement embryonnaire en déterminant l’orientation du futur plan de symétrie bilatérale de l’individu. Plus tard, en revanche, la pesanteur ne paraît pas devoir intervenir: c’est ainsi que des œufs fécondés de grenouille ou d’oiseau ont pu se développer normalement lors de vols spatiaux. Là encore, on conçoit l’intérêt d’entreprendre de nouvelles recherches sur des espèces pour lesquelles les techniques utilisées en laboratoire n’ont pas encore permis de déceler une influence de la pesanteur.

Pesanteur et cellule

La recherche d’une influence éventuelle de la pesanteur et de l’impesanteur sur la cellule est un problème fondamental. Si des recherches effectuées sur des cellules épithéliales ou conjonctives, normales ou cancéreuses, mais toujours fixées sur un support solide, n’ont abouti qu’à des résultats apparemment négatifs, d’autres observations ont pu apporter des réponses aux problèmes posés par les vols spatiaux: accroissement de l’activité prolifératrice et du volume cellulaire, modification du contenu cellulaire en certaines électrolytes, observés sur des paramécies, c’est-à-dire sur des protozoaires se déplaçant librement dans le milieu de culture. Chez des bactéries, une élévation de la résistance aux antibiotiques et un épaississement de l’enveloppe cellulaire ont été également observés.

Effets biologiques du rayonnement cosmique

Le rayonnement cosmique ne semble pas, a priori, constituer de danger pour les êtres vivants embarqués dans des vaisseaux spatiaux: la dose absorbée dans un satellite est en effet faible, de l’ordre de 15 à 30 millirads par jour (la dose mortelle pour l’homme est d’environ 500 rads). Un risque radiatif existe cependant: il provient des possibilités d’éruptions solaires qui s’accompagnent d’une élévation de l’intensité du rayonnement cosmique, ou du passage dans les ceintures de Van Allen, comme cela fut le cas pour les missions lunaires. Par ailleurs, les techniques dosimétriques habituelles correspondent à une mesure globale du rayonnement cosmique. Or, le rayonnement cosmique primaire contient de grosses particules, les ions lourds (noyaux d’atome), qui peuvent déposer sur leur trajet des doses extrêmement élevées, entraînant localement la mort des cellules ou tout au moins d’importantes altérations: une diminution de capacité de développement d’œufs embryonnés (kystes d’Artemia ), des anomalies de développement ou une augmentation de la fréquence de certaines mutations observées chez le tabac témoignent de ces effets délétères des ions lourds cosmiques et justifient les recherches actuelles de radiobiologie spatiale.

Ce bref exposé montre tout l’intérêt de la recherche biologique et médicale spatiale non seulement dans le but d’assurer la survie de l’homme pour les vols de très longue durée, mais également afin de mieux comprendre les effets de deux facteurs de l’environnement, pesanteur et rayonnement cosmique, dont l’influence s’exerce sur l’ensemble de la biosphère. En supprimant la pesanteur pour de longues durées et en permettant, inversement, d’exposer les êtres vivants à un rayonnement cosmique plus intense qu’au sol, l’espace ou, mieux, les vols spatiaux apparaissent comme étant un outil de travail unique, ouvrant de vastes perspectives de recherche et pouvant conduire à d’importantes applications dans le domaine de la médecine courante.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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